mercredi, octobre 09, 2013

Maximilian, le surdoué qui fait rêver la Suisse

http://www.scilogs.fr/l-actu-sur-le-divan/maximilian-le-surdoue-qui-fait-rever-la-suisse/

Cet enfant a dix ans. Il vient de passer son bac, et a obtenu la meilleure note en mathématiques. Il va maintenant entrer à l’Université. Et bien sûr, les médias ne parlent que de lui :






Evidemment, on crie au surdoué. Il faut dire que son cerveau n’est probablement pas tout à fait comme le vôtre ou le mien… Mais peut-on aller chercher les traces de l'intelligence dans la matière grise ? Les travaux de certains spécialistes du cerveau ont suggéré que l’épaississement progressif de l’écorce cérébrale serait liée au développement de l’intelligence. Philip Shaw et ses collègues du NIH du Maryland ont ainsi observé que le cortex cérébral s’épaissit davantage chez les enfants ayant un quotient intellectuel compris entre 121 et 145, que pour ceux ayant un quotient intellectuel compris entre 109 et 121, lesquels sont au-dessus de 83 à 108.



Mais qu’est-ce qui rend compte de ces modifications ? Un facteur génétique spécial ? Un environnement favorisant ? Les deux, probablement. L’intelligence semble être une des facultés cognitives les plus héritables génétiquement. La corrélation des quotients intellectuels entre deux jumeaux est de 0,8 (très forte corrélation) alors que celle de deux « faux jumeaux » n’est que de 0,6. Ce qui veut dire que les gènes (totalement identiques chez les vrais jumeaux, seulement en partie chez les faux) jouent un rôle notable. Quant à l’environnement du garçon, il suffit d’entendre son père parler, pour comprendre qu’il est tombé dans la potion tout petit.



Le culte des génies

Mais au-delà des capacités mentales pures de l’enfant, comment analyser notre fascination pour ces surdoués, et que penser de la vie qu’on leur fait mener ? Car ce n’est pas la première fois que l’on exhibe ainsi devant les caméras ces phénomènes. Par exemple, cette jeune fille étonnante, au Q.I. présenté comme supérieur à celui d’Einstein :





Là, on est en train de verser dans l’idolâtrie de caste. Car on retrouve au passage la mention du cercle Mensa, club international regroupant des personnes obtenant des scores parmi les 2 pour cent les plus élevés aux tests d'intelligence. Comme si l’intelligence était une sorte de compte en banque. J’en ai parlé au psychologue Fabrice Bak, auteur d’un récent ouvrage sur les enfants surdoués. Voici ce qu’il m’a répondu :



« Il ne faut pas oublier que l’intelligence ne se résume pas à une simple compétence à solutionner des équations, à intégrer des techniques mathématiques et à les reproduire. L’intelligence est une globalité qui permet à quelqu’un de s’adapter à des éléments de plus en plus complexes de la réalité, tant sur le plan de la compréhension de celle-ci que des individus qui la composent… »



Eh oui, aurions-nous tendance à oublier que l’intelligence est une capacité d’adaptation à une variété de circonstances, symboliques (signes mathématiques) mais aussi humaines ? Et Fabrice Bak de s’interroger :



« Qu'en est-il donc de cet enfant qui va intégrer l'Université de Zurich avec autant d'années d'avance ? Quel est donc le sens de cette course pour l'amener à se sentir aussi décalé par rapport aux autres ? Dans une interview publiée en juillet dernier par le journal dominical SonntagsZeitung, Maximilian avouait n’avoir pas trop d’amis. «Je ne suis pas tellement spécialisé en amis», car selon lui, il est difficile d’avoir des amis de trois ans plus âgés que soi. «Je ne trouve personne avec qui je peux parler d’Archimède, et la plupart ne savent même pas qui est Gauss !!! »



Miroir narcissique des parents?

L’implication de l’entourage dans le développement de Maximilian invite évidemment à se poser des questions. Cet enfant ne s’adapte-t-il pas à un désir parental très pressant ? Quel sera son devenir - personne ne semble être en mesure de le définir.

Alors, génie par procuration, Maximilian ? Prolongement des rêves de ses parents ? Difficile de le dire. Mais une chose est certaine : ces reportages posent la question du traitement médiatique de ces petits « génies ». Et de l’association que le public pourrait être amené à faire entre « l’enfant précoce » et le cas de Maximilian. J’ai moi-même fait ce raccourci dans le titre de ce billet, en parlant d’enfant surdoué, qui est l’autre terme clinique pour évoquer la précocité. Là encore, l’avis de F. Bak permet de nuancer.



« La précocité ne se résume pas à l'utilisation de compétences sur le plan intellectuel, notamment en mathématiques. Elle est aussi associée à tout un ensemble de facteurs de la sphère affective : l’enfant est hypersensible, angoissé par la perception trop fine des incohérences du monde qui l’environne, il s‘interroge sur soi-même et sur son lien aux autres.







Dans cette perspective, la précocité se définit par rapport à une évaluation psychométrique avec des aptitudes certes intellectuelles, mais aussi tout un ensemble de vécus, de perceptions, de ressentis sur le plan de la réalité. Ramener la précocité à une simple maîtrise des données mathématiques couplées à de multiples sauts de classes est extrêmement réducteur et renvoie encore à de nombreuses personnes ayant cette spécificité, l’image de sur-sollicitations permanentes, spécifiant leur pensée et les désocialisant à l’extrême.



A bon entendeur, il serait sans doute plus salutaire de consacrer des reportages au phénomène (répandu, et actuellement problématique dans la majeure partie des cas) de la précocité, qu’à des enfants prodiges qui tournent à la tête.



Mots-clefs :cerveau, développement, Einstein, génie, héritabilité, intelligence, mathématiques, Maximilian, Mensa, pression, surdoué





3 commentaires pour “Maximilian, le surdoué qui fait rêver la Suisse”

patricedusud

09.10.2013 10:58

Répondre
Permalink Il est clair qu'il n'a pas appris tout ça tout seul et que le rôle des parents ressemble en l'occurrence à celui de ceux qui poussent leurs enfants à être des phénomènes sportifs. C'est du surentrainement associé à une désocialisation dont les conséquences peuvent être dramatiques pour l'intégration dans la société.



Baudry

09.10.2013 13:59

Répondre
Permalink Je ne suis pas du tout d'accord avec le commentaire ci-dessus. Il apparaît évident que la personne ne connaît pas ou n'a pas vécu ce qu'est être intellectuellement précoce : c'est un besoin irrépressible de se nourrir intellectuellement. Néanmoins, il s'agit d'une gestion du temps, de son intellect, et des loisirs ( incluants jeux et sports) très difficile. Par ailleurs, le décalage que l'on peut ressentir avec les autres est patent et constant, il est donc difficile de gérer cet écart. Je précise qu'ici il ne s'agit pas de la pression parentale.



Il faut distinguer deux choses :

- la précocité d'un individu

- la volonté de certains parents de pousser ou, de croire et donc pousser (au sens intellectuel et scolaire), ses enfants, et ce afin de s'en servir comme trophée et/ou objet de transfert.



Merci de distinguer les problèmes d'une part. Et d'autre part, de ne pas parler et affirmer des propos sur un sujet que de toute évidence on ne maîtrise ou connait pas .



Bien à vous