mardi, octobre 18, 2011

La méthode Coué en quête de reconnaissance

Luc Teyssier d’Orfeuil, coach et cooganisateur du Congrès

« Tous les jours, à tous points de vue, je vais de mieux en mieux »… En ce début septembre, la maxime d’Émile Coué résonne dans l’amphithéâtre de l’université de pharmacie de Nancy. Et elle résonnera tout au long de ces trois jours consacrés à la méthode qu’il mît au point, il y a près de 100 ans. Pharmaciens, médecins, psychothérapeutes, coaches ou simples militants venus de France, de Suisse, d’Autriche ou d’Allemagne, ils sont un peu plus d’une centaine à assister à ce 1er Congrès International sur la Méthode Coué. Objectif affiché : rendre hommage à l’œuvre d’Émile Coué ; mais aussi et surtout, réhabiliter une méthode qui, selon eux, n'est pas prise suffisamment au sérieux en France.
« C’est assez surprenant, la France est le seul pays au monde où l'on ironise sur Coué et sa méthode, juge Gilbert Grellet, journaliste à l’AFP et ardent défenseur de la méthode. Au lieu de voir une avancée dans le domaine de la pensée positive et de l’autosuggestion, on la caricature, on la présente comme la politique de l’autruche, en disant que tout va bien quand tout va mal. »
Pourquoi ? Gilbert Grellet tient une théorie sur la question : les journalistes sont ignorants, ils ne savent pas ce qu’est la méthode Coué. « Il s’est instauré après la Seconde Guerre mondiale une caricature de la méthode que nous avons beaucoup de mal à combattre. C’est ce que nous essayons de faire à travers ce congrès. »

Inaugurant la séance, André Rossinot, maire de Nancy, déplore lui aussi cet état de fait. Couétiste de longue date, il rappelle que ces railleries n’ont pas toujours eu cours. Car la méthode, avant de s’éteindre face à la psychanalyse, a eu son heure de gloire, notamment entre les deux guerres.
C’est en effet en 1922 qu’Émile Coué publie l’ouvrage qui le rendra célèbre : « La maîtrise de soi-même par autosuggestion consciente ». Inspiré par des études sur l’hypnose et l’inconscient, le pharmacien y expose les grands principes de sa méthode.
Selon lui, toute idée présente durablement dans l’esprit finit par se fixer dans notre inconscient pour devenir réalité. Il estime également que ce travail doit pouvoir se faire par soi-même.
En pratique, il préconise ainsi de répéter vingt fois, matin et soir, la phrase suivante : « Tous les jours à tous points de vue, je vais de mieux en mieux ». « C’est la formule parfaite, explique Antoine Onnis, président de l’association Suivre Coué, à Venelles, près d'Aix-en-Provence. Car elle permet de s’attaquer à tous les problèmes de la vie et à tout moment. »

Dans l’amphithéâtre de l’école de Pharmacie, Klaus Dieter Ritter, couétiste allemand et ingénieur en mécanique, propose de démontrer la puissance de la méthode. Il demande à quatre femmes présentes dans la salle de soulever un homme assis sur une chaise avec seulement deux doigts. C’est l’échec : Arnaud (c’est son nom) est visiblement trop lourd. Mais après avoir répété vingt fois « Arnaud est léger comme une plume, je peux le soulever », les quatre volontaires le soulèvent sans hésitation à 1 mètre de hauteur. Applaudissements.
S’ensuivent alors plusieurs autres expériences durant lesquelles tout l’amphithéâtre est sollicité : séance de pendule réagissant à nos pensées, contorsions censées être impossibles… Face aux démonstrations de ce prêcheur allemand, une étrange ambiance – quasi mystique – semble envahir la salle.
Pourtant, si certains semblent impressionnés, d’autres sont plus réservés face ce genre de démonstration. Car les défenseurs de la méthode Coué sont sans doute plus à la recherche d’une reconnaissance scientifique que de miracles.
Jean-Paul Tanguy, sophrologue et président du Cercle Coué de Brest, tente ainsi de démontrer comment la suggestion – l’un des principes de la méthode Coué – peut modifier positivement notre cerveau et notre perception du réel. Des expériences menées aux Etats-Unis montrent ainsi que sous l’effet de la pensée et de la répétition, les connexions entre nos neurones se réorganisent.
Puis c’est au tour du psychiatre Patrick Lemoine d’évoquer la force du placebo (et de son antagoniste, le nocebo*). En effet, pour la communauté couétiste, Emile Coué est ni plus ni moins l'inventeur de ce concept aujourd'hui très en vogue. L'histoire dit, qu'un jour, pour se débarrasser d'un client grincheux et sans ordonnance, Emile Coué proposa une prescription d'eau distillée. Une semaine plus tard, le patient vint remercier le pharmacien pour l'efficacité de son médicament.
* Effet placebo dommageable pour l'individu. Patrick Lemoine vient de publier "Le Mystère du nocebo", chez Odile Jacob.
Une méthode en mal de reconnaissance
Autosuggestion, pensée positive, effet placebo… la méthode Coué semble s’appuyer sur des concepts modernes et reconnus. Pourtant, comme le rappelle l’historien Hervé Guillemain qui lui a consacré un ouvrage*, l’autosuggestion positive n’a jamais fait l’objet d’aucune publication scientifique. Et le renouveau présenté lors de ce congrès – qui s’inscrit dans une tentative de réhabilitation remontant aux années 90 – semble très exagéré.

Le réseau Coué est particulièrement restreint en France. Il n’existe que deux associations, à Brest et près d’Aix-en-Provence. La méthode est complètement ignorée dans les milieux psychiatriques. Et elle reste très marginale chez les psychothérapeutes. D’ailleurs, plusieurs professionnels interrogés lors du congrès avouent ne pas y avoir recours. Ils lui reconnaissent un intérêt historique mais lui préfèrent des méthodes plus ciblées et plus modernes, privilégiant le dialogue avec le patient.
« Ce qui est plus difficilement quantifiable, reconnaît l’historien, ce sont les pratiques individuelles. La méthode est aisément accessible, elle est simple, gratuite, et par certains côtés, elle rappelle les « thérapies brèves » comme les thérapies comportementales qui ont actuellement le vent en poupe. Peut-être suit-elle ce mouvement. » Pour les Couétistes réunis à Nancy, ce renouveau ne fait aucun doute. Mais l'important n'est-il pas justement d'y croire ?