Caroline RiederParis
«C’est comme si Indiana Jones avait découvert un téléphone portable dans un sarcophage égyptien. » Responsable du développement chez Hublot, Mathias Buttet ne manquait pas d’emphase, lundi à Paris, pour décrire l’énigme que représente le mécanisme d’Anticythère. L’étrange machine et sa réinterprétation par la marque horlogère font l’objet d’une exposition au Musée des arts et métiers. Elles étaient présentées à une foule de journalistes intrigués venus d’Europe, de Russie ou même des Etats-Unis.
Tout commence en 1901, lorsque des pêcheurs d’éponges remontent le trésor d’un navire romain ayant fait naufrage en l’an 87 av. J. -C. , près de l’île grecque d’Anticythère, entre le Péloponnèse et la Crète. Au milieu de somptueuses statues antiques, une drôle de plaque de bronze intrigue. Elle est conservée précieusement au Musée national archéologique d’Athènes avec 81 autres fragments semblant appartenir au même ensemble. Dès 2005, les scientifiques parviennent à sonder leurs entrailles grâce à un scanner de 10 tonnes.
Le groupe formé d’astronomes, d’historiens des sciences et de philologues anglais, grecs et américains découvre avec stupeur de nombreuses roues dentées invisibles à l’œil nu. Grâce à des inscriptions contenues dans les fragments et formant une sorte de mode d’emploi, ils parviennent à reconstituer un objet totalement inconnu. Soit une drôle de boîte haute de 33 cm avec deux faces ornées de cadrans et de complexes rouages à l’intérieur. En l’actionnant grâce à une manivelle, elle peut rendre compte des positions de la Lune et du Soleil dans le calendrier du zodiaque, des phases de la Lune et même de ses éclipses. Et cela sur des décennies, en se basant sur le calendrier solaire égyptien.
Jusqu’à il y a peu, il était communément admis que les mécanismes astronomiques à rouages remontaient à la Renaissance. Or «tout concorde pour dater la machine. On estime qu’elle remonte aux années 150 – 100 av. J. -C. L’analyse métallurgique et, surtout, les inscriptions, la langue, le style, les expressions sont typiques de cette époque», détaille Yanis Bitsakis, physicien et historien des sciences, membre du projet de recherche sur le mécanisme d’Anticythère.
Mais qui a fabriqué cette machine et à quoi pouvait-elle donc bien servir? Pour l’heure, les scientifiques imaginent une tentative pour synthétiser toutes les connaissances astronomiques de l’époque, mais les recherches se poursuivent.
Même sans réponse, toutes ces questions, et surtout ces engrenages si précis, ont inspiré Mathias Buttet. Lorsqu’il découvre la nouvelle dansScience et Vie, il approche l’équipe de recherche, avec l’idée de miniaturiser la machine. «On a passé six mois à la comprendre, on l’a même reconstituée de manière virtuelle. Le mécanisme est complexe et il n’a rien à voir avec les autres complications des montres, c’est inconnu dans l’horlogerie. »
Tout a été respecté à la lettre, avec un ajout: «Nous avons remplacé la manivelle sur le côté par un mouvement d’horlogerie, qui permet d’entraîner les rouages. » Au final, le nouvel objet est si petit qu’il peut se porter au poignet. Il donne l’heure mais ne sera pas commercialisé dans une montre. «C’est un mouvement qui n’a aucune fonction contemporaine. Aujourd’hui, personne n’utilise le calendrier égyptien ni le cycle de Saros(ndlr: cycle des éclipses). Tout l’exploit était dans la miniaturisation. »
Note:Exposition au Musée des arts et métiers, à Paris,jusqu’au 1er juillet 2012. www. arts-et-metiers. netFilm explicatifréalisé par le Lausannois Philippe Nicolet sur cette étonnante découverte sur www. nvp3d. com
http://archives.24heures.ch/VQ/LAUSANNE/-/article-2011-10-1170/une-mystactuC3actuA9rieuse-machine-antique-inspire-la-marque-hublot
http://www.hublot.com/fr/NEWS/1925_hommage-au-plus-ancien-calculateur/#/NEWS/1925